Acheter une œuvre d’art : 7 conseils pour ne pas se tromper

art-for-sale-1500x10001Je crois que l’art contribue à notre mieux être et je suis convaincue que vivre avec des œuvres d’art (pas seulement aller les voir de temps en temps dans des expositions ou au musée) constitue un élément déterminant pour enrichir nos vies et notre quotidien.

L’œuvre d’art possède une incroyable «présence» matérielle qu’aucune affiche laminée ou impression commerciale sur toile ne pourra transmettre. S’exposer à cette «présence» au jour le jour entraîne des effets directs et indirects sur notre humeur et nos états d’âme, à court, moyen et long termes. Et si vous êtes «visuels» plutôt «qu’auditifs», vous bénéficierez encore plus des effets de cette «présence».

Cependant, soyons réalistes : après des décennies de Néolibéralisme en Occident, l’écart entre les riches et les pauvres s’est dangereusement accentué et la classe moyenne a graduellement perdu son pouvoir d’achat au point de quasiment disparaitre. Alors, qui a les moyens d’acheter des œuvres d’art aujourd’hui ? La plupart d’entre nous peine à joindre les deux bouts pour se loger, se nourrir, se vêtir et se déplacer. Et comme nous le rappellerait certainement l’économiste québécois PierreYves McSween : l’œuvre d’art, «en as-tu-vraiment besoin ?»

Tout est une question de goût et de moyens, évidemment. Plusieurs préféreront se payer le dernier modèle d’un IPhone ou un petit voyage dans le Sud dès qu’ils dégageront un peu de lousse dans leur budget, plutôt que d’acheter une œuvre d’art. Il n’y a pas d’offense. Mais pourquoi ne pas tenter un jour l’expérience, en gardant votre vieux téléphone un peu plus longtemps ou en profitant des joies de l’hiver, pour acheter une œuvre d’art ? Dans ce cas, voici mes conseils pour que votre acquisition vous rende heureux pour le reste de votre vie.

1-Identifiez vos goûts esthétiques

Pour l’achat d’une œuvre d’art, je vous conseille sans ambages d’acheter ce que vous aimez, point à la ligne. Ne pensez pas «investissement» pour vous enrichir ou «tendance» pour être in. Le marché de l’art est lent et les styles artistiques sont toujours remplacés par d’autres à un moment ou à un autre. Si vous achetez vraiment ce que vous aimez, vous n’aurez probablement jamais envie de revendre votre œuvre un jour (ou pire, de la remiser dans un débarras) et vous serez toujours heureux de vivre avec elle, car elle continuera à vous «parler», peu importe le temps qui passe.

Vous ne savez pas vraiment quels sont vos goûts en matière d’art ? Voici quelques suggestions pour les découvrir. Commencez par regarder dans votre garde-robe : est-ce que tout est noir, gris et blanc, ou au contraire un arc-en-ciel de couleurs explose dès que vous ouvrez la porte ? Et votre décor : plutôt neutre ? Traditionnel ? Contemporain ? Champêtre ? Et votre musique : du classique ? Du pop ? De la musique alternative qui décoiffe ? Tous ces éléments vous donneront des indices sur vos goûts esthétiques en matière d’art. Par exemple, si vous êtes amateur de musique classique ou de décor neutre, il y a peu de chance que vous tombiez en amour avec un tableau Pop surréaliste représentant un Mickey Mouse aux yeux sortis de la tête, dans un paysage apocalyptique dégoulinant de couleurs criardes. Enfin, vous voyez ce que je veux dire.

Ensuite, faites-vous un album dans Pinterest ou dans Tumblr pour y épingler des œuvres d’art que vous aimez, en allant voir plusieurs sites web pertinents (je vous offre toute une liste dans la colonne de droite de ce site web).

Visitez aussi des expositions dans des galeries, des centres d’expositions, des centres d’artistes autogérés, des musées, ou consultez des revues d’art dans une bibliothèque publique (Magazin’Art ou Vie des arts par exemple). Prenez en note les noms des artistes que vous aimez.

Peu à peu, vous verrez une tendance se dessiner dans vos préférences : ce sera majoritairement des œuvres abstraites, ou au contraire des œuvres figuratives ; des œuvres dans tes tons neutres, ou au contraire très colorées ; des lignes pures et raffinées, ou au contraire des éclaboussures et des hachures ; des œuvres lumineuses, ou au contraire plutôt sombres ; des paysages, ou au contraire des portraits ; des œuvres minimalistes, ou au contraire très chargées ; des peintures, ou plutôt des dessins, des estampes, etc.

Ne laissez pas les autres juger vos goûts, ils sont légitimes. Cependant, gardez un esprit ouvert envers les connaisseurs, les galeries ou les musées qui voudront ouvrir votre sensibilité à d’autres esthétiques. Le goût se cultive !

2-Révélez vos motivations

Maintenant que vos goûts sont à peu près cernés, il est important de clarifier les raisons qui vous amèneront à acheter une œuvre d’art :

-Est-ce que vous cherchez une œuvre qui pourra spécifiquement s’assortir à votre décor (meubles, palette de couleurs) ?

-Est-ce que vous souhaitez débuter une collection qui reflètera votre personnalité ?

-Est-ce que vous souhaitez découvrir et encourager des artistes émergeants ?

-Est-ce que vous souhaitez vous distinguer en créant une collection de prestige, à léguer plus tard à vos descendants ou à un musée ?

-Etc.

Ces différentes motivations sont déterminantes au regard de votre stratégie d’achat d’œuvres d’art. D’autre part, il y a des pièges et des écueils dans chacune de ces façons de faire. Par exemple, si vous cherchez une œuvre qui s’assortira absolument à votre nouveau canapé, vous restreignez beaucoup vos choix parmi les œuvres disponibles sur le marché. Le piège est d’acheter la première œuvre venue qui a la bonne palette de couleurs afin de compléter votre décor. Mais la bonne palette pour votre meuble ne veut pas dire la bonne œuvre pour votre tempérament. Sachez qu’avec une telle contrainte, cela peut prendre des mois de recherche avant de trouver à la fois une œuvre qui s’harmonise avec votre environnement et qui vous offrira également une expérience esthétique enrichissante pour de longues années. Pour ma part, je fais carrément l’inverse : j’ai plutôt assortie mon décor autour des œuvres d’art que je possède. Cela les mets en valeurs et me permet de les savourer avec encore plus de plaisir.

Dans les autres cas, une bonne recherche et les conseils d’un expert seront nécessaires pour vous éviter bien des tracas (j’y reviens plus loin dans cet article).

3-Établissez votre budget

Peu importe l’achat, que ce soit une maison, une voiture, un pantalon ou une œuvre d’art, il est important de connaître sa capacité financière réelle. Votre budget vous permet-il d’acheter un petit dessin encadré ou une peinture à l’huile de 3 X 4 mètres ?

Sachez par ailleurs que le format n’a rien à voir avec la qualité de l’expérience esthétique que vous vivrez avec l’œuvre. Certaines œuvres miniatures de quelques centimètres peuvent avoir plus de «présence» que de grands tableaux à plusieurs milliers de dollars. Encore là, fiez-vous à vos goûts.

4-Évaluez l’espace disponible

L’œuvre que vous allez acheter cohabitera avec vous dans votre appartement, votre condo ou votre maison. Il peut être utile d’avoir une idée de l’endroit où vous souhaiter installer l’œuvre avant de faire votre achat. De combien d’espace disposez-vous ? Et de quelle façon l’œuvre sera-t-elle éclairée : avec une lumière naturelle devant la fenêtre de la chambre ou avec un plafonnier dans un coin sombre du salon ? Il peut être également nécessaire de connaître la hauteur de vos plafonds si vous visez des œuvres de grand format.

5-Choisissez une galerie d’art en accord avec vos goûts et vos motivations

Dans l’art comme dans d’autres domaines, il y a des spécialités. Si vous cherchez une robe de mariée, vous n’irez pas magasiner chez Latulippe n’est-ce pas ? Il en va de même pour les œuvres d’art. Chaque galerie a son «écurie» d’artistes et ses choix reflètent une orientation artistique spécifique. Ainsi, si vous goûts tendent plutôt vers les paysages traditionnels de Charlevoix, vous risquez d’être déçu si vous débarquez à la Galerie Lacerte de Québec, qui expose principalement des artistes actuels et ce, même si la galerie est réputée pour ses excellents services et conseils d’experts.

Pour vous éviter des frustrations, prenez d’abord le temps de faire une tournée virtuelle (ou physique) des galeries d’art de votre région pour vous familiariser avec leurs collections et choisir celles qui correspondent à vos goûts. Pour Québec et Montréal, il existe même des bottins des galeries pour vous aider à les repérer : Répertoire des galeries d’art de Québec, Répertoire des galeries d’art de Montréal.

La visite des expositions dans des centres d’artistes autogérés vous permettra peut-être aussi de trouver l’élue de votre cœur en matière d’œuvre d’art, mais sachez que ces organismes à but non lucratif sont d’abord et avant tout spécialisés dans la recherche et l’innovation artistiques et non dans le vente, le service/conseil pour l’achat d’une œuvre y est donc minimaliste.

Si vous avez un petit budget, dans les centres d’artistes autogérés spécialisés en photographie ou en estampe, vous pouvez par ailleurs trouver d’excellentes œuvres d’art à des prix habituellement plus abordables que les tableaux ou les sculptures, puisqu’il s’agit de multiples (attention, il s’agit ici de tirages limités et non de centaines d’exemplaires imprimés à la chaine en lithographie ou avec une imprimante, ce que vous pouvez trouver facilement sur la Rue du Trésors à Québec ou sur le site web Etsy  (reproductions et œuvres d’art originales). Des événements pour la relève comme le Salon nouveau genre à Québec ou l’encan d’estampes d’Engramme peuvent aussi vous permettre de trouver des dessins ou des estampes à petits tirages à des prix abordables.

6-Favorisez une relation de confiance avec le vendeur

N’ayez pas peur des galeristes. Ce sont des gens d’affaires qui ont une entreprise à faire rouler, bien entendu, mais ce sont aussi des passionnés d’art qui ne demandent pas mieux que de vous transmettre leurs passions et leurs connaissances des œuvres.

Vous avez déjà déterminé vos goûts, vos motivations, votre budget et l’espace dont vous disposez avant de cogner à la porte d’une galerie ? Excellent ! Ces informations seront précieuses au galeriste pour vous guider dans l’achat de votre œuvre. Et si vous n’êtes pas entièrement certain quant à l’achat à faire, la plupart des galeries vous offre la possibilité de louer l’œuvre pendant un certain temps afin de vérifier si la cohabitation avec celle-ci répondra à vos attentes.

Prenez votre temps. En principe, un bon galeriste souhaitera répondre à vos goûts et à vos motivations car son objectif est que vous reveniez le consulter lors de l’achat d’une autre œuvre d’art dans le futur. Si vous ne vous sentez pas à l’aise avec un galeriste, ou s’il tente de trop vous détourner de vos goûts et de vos motivations, magasinez chez un autre galeriste et comparez. Comme dans toutes les professions, il y a de bons et de mauvais galeristes, des honnêtes et des moins honnêtes. Soyez à l’affut et suivez le gros bon sens.

Si vous désirez vous constituer une véritable collection, établir des relations de confiances avec les galeristes sera déterminant. Il est tout à l’avantage d’un galeriste (et des artistes) de privilégier des collectionneurs sérieux quand il s’agit de vendre des œuvres d’art, car cela consolide ou rehausse la cote (la valeur des œuvres) de l’artiste.

Dans les milieux très aisés des grandes villes américaines, la profession de «courtier en œuvres d’art» offre un service conseil aux collectionneurs fortunés pour l’achat de leurs œuvres et l’évolution de leur collection. Le courtier en œuvres d’art agit donc à titre d’intermédiaire indépendant entre le collectionneur et les galeries(ou parfois directement avec les artistes). Comme un courtier en immobilier ou en valeurs mobilières, sa rémunération provient d’une commission sur la vente, ce qui bien entendu s’ajoute à la commission de la galerie dans le prix de vente de l’œuvre. Les bons courtiers en œuvres d’art sont à l’affut de tout ce qui se crée en art (expositions, catalogues, foires, revues, internet) pour savoir ce qu’il y a de disponible sur le marché et conseiller les collectionneurs vers les meilleurs choix. On parle ici de transaction avec des œuvres d’art qui se détaillent à plusieurs milliers ou centaines de milliers de dollars.

Certains artistes vendent leurs œuvres eux-mêmes via leur site web ou leur atelier. Ce peut être également une bonne façon d’acheter des œuvres d’art mais, attention, il arrive parfois que certains artistes surévaluent la valeur de leurs œuvres au regard du marché… établir la cote d’un artiste et la faire évoluer adéquatement dans le temps exige une bonne connaissance du marché, ce qui est habituellement la spécialité des galeristes. Mais encore là, tout est relatif : si vous avez un coup de foudre pour une œuvre dans l’atelier d’un artiste et que vous jugez le prix acceptable, achetez-là ! Établir une relation de confiance avec un artiste que vous aimez sera bénéfique pour les deux parties. Vous aurez accès à ses primeurs et vous deviendrez peut-être un mécène, une fonction bien rare de nos jours mais ô combien précieuse pour les artistes.

7-Ne cherchez pas à spéculer

L’abondance d’œuvres d’art sur le marché secondaire de la revente visant la spéculation n’est rentable ni pour les artistes ni pour les galeristes. Elle déstabilise le fragile équilibre visant à établir une cote juste pour les artistes, en fonction, d’une part, de l’offre et de la demande au sein d’un marché et, d’autre part, de la reconnaissance des artistes par leurs pairs et le milieu de l’art.

Si un jour vos goûts changent, ou que vous avez vraiment besoin de revendre un œuvre d’art que vous avez achetée, la règle implicite est de d’abord retourner cette œuvre à sa galerie d’origine. Si le galeriste ne souhaite pas racheter l’œuvre, vous aurez toujours le loisir de la vendre de gré à gré à un autre particulier ou à l’encan.

Il s’avère par ailleurs légitime de s’assurer auprès du galeriste lors de l’achat d’une œuvre qu’elle possède le potentiel de maintenir sa valeur avec le temps.

VOILÀ !

Une fois votre œuvre d’art achetée, n’oubliez pas de contacter votre assureur afin d’ajuster votre couverture, si nécessaire.

Pour en savoir plus et devenir un collectionneur averti, l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC) a publié en mars dernier un excellent ouvrage « Collectionner, le guide» au coût de 5 $.

Vous pouvez également vous joindre à un réseau, comme le Club des collectionneurs en arts visuels de Québec ou le Cercle des collectionneurs d’art actuel.

Bon achat !

P.S. Si, au fil du temps, vous achetez plus d’œuvres d’art (bravo !) que vous avez de murs disponibles dans votre logis, faites alors des rotations en changeant l’accrochage au fil des saisons, par exemple avec une collection «hiver» et une collection «été». Devenez le commissaire d’exposition de votre collection !

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«L’oeuvre d’art…un véritable investissement»

«Créer sa collection d’œuvres d’art»

«How to collect emerging art in 7 easy steps»

Auteur : Louise Sanfaçon

Passionnée par les arts visuels depuis l’enfance 🎨

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